Une femme accompagnée d'un élève en situation de handicap dans un bus adapté.

Transport des élèves en situation de handicap : une indispensable réforme

En cette période de fin d’année scolaire de nombreux acteurs sont déjà en train de préparer la rentrée suivante avec toute la complexité de cet exercice. A ce titre, la question de l’organisation du transport des élèves et étudiants en situation de handicap fait sans doute partie des organisations les plus complexes qui soient.

Rappelons en effet ici que, depuis la loi NOTRe de 2015, les Régions ont repris la compétence mobilité qui incombait antérieurement aux Départements. Ainsi, l’ensemble des transports scolaires relève aujourd’hui soit aux Régions, soit aux collectivités qui ont pris la compétence « mobilité » et sont de fait devenues Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM). Tous les scolaires ? Et bien non, puisque le cas des élèves et étudiants en situation de handicap a « résisté » à ce transfert.

Ainsi, comme le stipule le Code des transports : « Les frais de déplacement exposés par les élèves handicapés qui fréquentent un établissement d’enseignement général, agricole ou professionnel, (…) et qui ne peuvent utiliser les moyens de transport en commun en raison de la gravité de leur handicap, médicalement établie, sont pris en charge par le département du domicile des intéressés. » (Source : Article R3111-24 : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033449643)

Le texte parle bien ici de « frais de déplacement remboursés » et non d’ « offre de transport organisée » par le département. Dans l’absolu, ceci implique donc qu’une application « puriste » de la loi induirait que les Départements se cantonnent au simple remboursement des familles qui se débrouillent pour trouver le transporteur qui leur convient et envoient ensuite la facture aux services du Département. On imagine aisément qu’une telle méthode interdit toute optimisation des transports avec des groupages éventuels et induirait inévitablement des dérives difficiles à gérer par les collectivités.

Donc progressivement et par volonté de limiter les risques liés aux coûts des transports, on est passé d’un rôle de payeur décrit par la Loi à un rôle de gestionnaire/planificateur observé dans les faits. Cette gestion par les services départementaux pose aujourd’hui de plus en plus de questions avec des conditions de mise en place particulièrement complexes dans un contexte social, économique et politique plutôt tendu.

Côté collectivités, de nombreux élus s’étonnent de la progression des coûts de ces prestations avec des budgets allant parfois à plusieurs dizaines de millions d’euros annuels suivant le nombre d’enfants pris en charge. Cette préoccupation légitime conduit souvent à la recherche d’économies en tentant de jouer sur deux leviers :

  • Coté demande : Limiter les possibilités de prise en charge pour les familles en limitant les critères ;
  • Côté offre :
    • En contraignant les transporteurs à réaliser des efforts économiques et en privilégiant les offres les moins onéreuses,
    • En insistant auprès des services pour tenter d’optimiser au mieux les services réalisés.

Bien entendu, ces orientations ont un impact direct sur l’ensemble des acteurs impliqués dans la démarche.

Côté familles, la restriction des critères d’accès crée un mécontentement logique et compréhensible. Cela s’est récemment traduit par plusieurs mises en cause des règlements départementaux de prise en charge des frais qui comportaient des limites comme, par exemple, un seuil kilométrique, un nombre de jours de scolarisation… Cette mise en cause juridique a, dans la plupart des cas, été validée par le juge puisque l’écriture actuelle des textes ne permet effectivement pas restriction au-delà des critères écrits dans la Loi. (voir jurisprudence : https://mobhilis.fr/mobhilis/wp-content/uploads/2025/07/Jurisprudence.pdf)

Côté transporteurs, la pression sur les coûts conduit aujourd’hui à l’émergence d’entreprises qui pourraient être qualifiées de « commercialement agressives » (voire potentiellement de « mercenaires » parfois pour certaines) en proposant des services à (très) bas coûts. Ces entreprises offrent souvent une façade commerciale de qualité et répondent de façon pertinente aux appels d’offres avec des dossiers qui peuvent masquer une gestion moins honorable des ressources humaines qui sont la clé de voute de la prestation. Face à ces entreprises, les transporteurs qui font des efforts importants dans la gestion de leur personnel, se voient parfois pénalisés d’autant qu’ils sont confrontés à une attractivité très faible de la profession, liée notamment à la faible rémunération et au mode de travail (horaires complexes et avec une grande coupure).

Tout cet écosystème a un effet boomerang sur les agents des collectivités qui gèrent ces services et qui doivent jongler en permanence entre les injonctions à la performance et les contraintes liées à ces transports et à leur indispensable qualité. Car, il faut le rappeler, la mise en œuvre des solutions de mobilité pour ces enfants en situation de handicap est la clé de leur insertion scolaire et donc de leur avenir dans la société.

Alors que faire ? Comment concilier tous ces impératifs ?

De nombreuses pistes d’actions et de réflexion existent ici sur lesquelles travaille Mobhilis, tant sur le plan technique que juridique.

En premier lieu, il est possible de réfléchir à d’autres façons de gérer ces transports. Trouver des solutions opérationnelles peut revêtir plusieurs formes, mais la plus simple serait sans doute de définir des « territoires d’offres » en proposant une mutualisation de l’ensemble des transports concernant les personnes à mobilité réduite sur un territoire. Ce mode opératoire était courant dans les années 80/90 avec des services qui avaient en charge l’ensemble des transports par l’intermédiaire de conventions ou de marchés et facturaient les prestations aux divers commanditaires. On peut ainsi imaginer la mise en place d’un groupement d’achat local de prestations transport réunissant au sein de « chaque territoire d’offres » les AOM, le Département, les Organismes Gestionnaires d’établissement… Ce groupement commanderait un volume d’offres de transport auprès d’un ou plusieurs transporteurs selon des modalités techniques claires et précises (notamment les lots, les conditions de transports, de réservation…). Le ou les prestataires retenus pour l’exploitation réaliseraient alors l’ensemble des transports en facturant à chaque commanditaire les services réalisés en prenant en compte les optimisations possibles. Outre le fait de simplifier la lisibilité de l’offre de service, ceci permettrait aux entreprises d’avoir un volume d’activité plus important et mieux réparti sur la journée et d’offrir ainsi des conditions de travail plus intéressantes par des salaires plus élevés et des horaires moins hachés.

Sans vouloir remonter dans un passé trop lointain, on peut prendre comme exemple l’exploitation des services qui était réalisée par l’association GIHP qui géraient dans de nombreuses villes une offre de service de transport pour l’ensemble des besoins des personnes :

  • Le transport public général (aller au cinéma, à la piscine…) était financé par la Collectivité (commune ou communauté de communes) ;
  • Le transport pour les établissements (IME, ESAT, MAS…) était financé par les Organismes gestionnaires ;
  • Les transports « sanitaires » (visites médecins ou spécialistes) étaient financés par une convention avec la CPAM ;
  • Et enfin les transports des élèves en situation de handicap étaient financés par le Département.

Le résultat était que la personne à mobilité réduite disposait d’un seul interlocuteur pour l’ensemble de ses besoins sur le territoire simplifiant ainsi la lisibilité de l’offre et que l’entreprise (l’association en l’occurrence) pouvait offrir à ses personnels de conduite des conditions de travail intéressantes (notamment des temps pleins). Bien entendu, ce mode opératoire n’avait pas que des avantages et, dans certains cas des dysfonctionnements sont apparus avec, notamment, des saturations de services à certaines heures mais, au plan global, il semble certain que la quasi disparition de ce mode opératoire a entrainé des déperditions économiques, sociales et environnementales.

Regarder dans le rétroviseur peut parfois être positif tout en regardant comment utiliser au mieux les nouvelles technologies ou les nouvelles solutions organisationnelles. A ce titre, l’évolution des outils de gestion des transports à la demande apporte des réponses de plus en plus efficaces à ce type de transport. Par ailleurs, des solutions juridiques s’offrent aujourd’hui pour permettre l’émergence d’offres locales de mobilité comme par la possibilité de mise en place de simples groupements de commande entre collectivités et allant jusqu’à la création potentielle de Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif de Mobilité (SCIC) permettant une approche très partenariale de la gestion des services.

Bref, trouver un système où tout le monde avance ensemble et y est gagnant.

Changer la loi peut prendre deux orientations claires

Mais il demeure fondamental de réfléchir à une évolution législative permettant aux opérateurs de travailler dans un cadre clair et précis.

  • Soit le transport des élèves et étudiants en situation de handicap est du transport scolaire et il échoit à ce titre aux Autorités organisatrices de la Mobilité, comme par le passé en fait, ce qui irait potentiellement dans le sens de la Loi de 2005 en faveur de l’inclusion. Cette réflexion présente l’intérêt majeur d’aller dans l’esprit de la Loi de 2005 sur l’inclusion et permettrait de reposer plus clairement la question de l’accessibilité des transports scolaires. Celle-ci a été mise de côté en 2015 lorsqu’il a été décidé que les services scolaires ne rentreraient plus dans l’obligation de mise en accessibilité systématique, mais uniquement à la demande de parents. Mais se pose alors la question des modalités économiques et techniques de cette mise en accessibilité et l’articulation entre des transports « dédiés » et les transports classiques.
  • Soit il est une « prestation sociale de compensation » et il doit donc être défini sur la base d’une allocation de compensation pour frais de transports scolaires avec un barème de base défini par la loi avec une majoration éventuellement possible par les départements au titre de l’action sociale. Ceci fera peser sur les familles l’organisation des transports, mettant sans doute les plus vulnérables en situation complexe. Le principe pourrait être ici simple en posant un montant de base (le coût annuel moyen pour un élève externe est aujourd’hui aux alentours de 5 900€ – enquête AGIR TEH 2024) qui serait modulé en fonction du temps de présence, avec la possibilité d’appliquer d’autres critères tels que la distance entre le domicile et l’établissement, le niveau de revenu du foyer, ou encore certaines contraintes locales. Concernant ces dernières, par expérience, on s’aperçoit qui si le territoire est montagneux, alors le relief a une incidence sur les coûts. Il en est de même pour les territoires frontaliers pour lesquels les coûts de transports sont plus importants notamment en proximité de la Suisse, du Luxembourg ou au Sud-Est.

Mais il convient ici de conserver à l’esprit que, quelle que soit la solution juridique retenue, la question de l’évolution du nombre d’enfants concernés et des besoins de transport restera croissante du fait de l’amélioration de l’inclusion des enfants en milieu scolaire. Cela traduit aussi un mieux vivre ensemble et nous devons nous en réjouir car c’est un plus pour notre société au global !

Cependant la question de fond qui perdurera donc ici est de voir comment faire en sorte que ces transports soient gérés de la meilleure façon possible. Pour cela, il convient de rappeler ici le lien étroit qui existe entre le domicile des familles et les lieux et horaires de scolarisation. Toute modification de l’un de ces paramètres entraine des conséquences importantes dans l’organisation du déplacement. La fermeture d’un établissement scolaire (école, collège, lycée…) ou le changement d’un horaire peuvent avoir des impacts positifs et négatifs avec des coûts sociétaux et financiers qui sont rarement pleinement pris en compte dans les décisions.

Vous accompagner dans vos projets de transport scolaire et de mobilité inclusive

Chez Mobhilis, nous accompagnons les collectivités dans l’organisation des transports pour les élèves en situation de handicap, la restructuration de l’offre de mobilité, et la mutualisation des services de transport adapté. Grâce à notre expertise technique, nous concevons des propositions de solutions pragmatiques, inclusives et économiquement viables, en lien avec tous les acteurs concernés : familles, transporteurs, établissements scolaires, AOM et Départements.

Pour information, Mobhilis et le cabinet d’avocats Cloix & Mendès-Gil sont titulaires de l’accord-cadre de la CATP concernant les AMO relatives au transport des élèves en situation de handicap depuis 2022. De plus, Mobhilis dispense chaque année des formations sur le sujet auprès des adhérents d’AGIR Transport depuis 2013.

Contactez-nous : notre équipe est à vos côtés pour construire, avec vous, des solutions durables, partagées et sur-mesure.

Vous souhaitez repenser l’organisation du transport scolaire pour les élèves en situation de handicap sur votre territoire ? Vous envisagez de mutualiser vos services de transport adapté pour plus d’efficacité ?


Sources citées :


Co-rédaction : Michel JEANNENOT, directeur technique ; Thomas BROSSEAUX, chargé de communication.

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